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samuel-de-lasape : La Sape un Art Vestimenta
L'inventeur du mot « SAPE », ce dandysme à l'africaine, serait Christian Loubaki dit enfant Mister, homme à tout

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Creation: 30/03/2010 18:08
Update: 30/03/2010 18:15
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bandu2 : menu_arrow.gif Article: S'habiller c'est un Art - 30/03/2010 18:15

S'habiller c'est un Art

Pour ne pas être taxé de « polar » ou de « ngaya », c’est-à-dire de « non-connaisseur », un ambianceur doit toujours porter le costume.(Photo : Héctor Mediavilla Sabaté, Colors Magazine)


Au Congo-Brazzaville, la sape , qui désigne à la fois le vêtement et la « Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes », est une vieille passion, que même les années de guerre n’ont pas réussi à éteindre.


Son origine remonterait à l’époque coloniale et la région du Pool en serait le berceau. Avec ses costumes « rayure tennis », André Grenard Matsoua, connu pour sa résistance aux colons et qui a donné naissance à un courant messianique, serait le premier sapeur connu, à en croire Dada Apôtre, qui arbore fièrement un badge à l’effigie de ce dernier sur l’encolure de sa veste. Chaque époque a eu ses grands noms. Le label a parfois été décerné à des personnalités qui n’ont jamais revendiqué leur appartenance à ce courant. Dans les années 1950, les étudiants revenant de France tels que Lazare Matchocota, Ebouka Babacas, Ambroise Noumazalay ou Ntari (Balossa) Kalafar passaient pour la fine fleur de l’élégance. Plus tard, ce furent Firmin Ayessa, Maverick ou Toutchikapo Della France, « le plus grand sapeur d’Afrique centrale », qui firent trembler d’émotion le monde de la sape.


Jo Balard, révélé par le film Black Mic Mac , Profa, un patron de bar-dancing, et même Isidore Mvouba, actuel Premier ministre, furent une référence dans les années 1970/80. Une époque au cours de laquelle ce dandysme façon congolaise connut ses heures de gloire. Il était alors contestation sociale mais aussi volonté d’imiter les « grands » pour mieux investir leurs espaces. Une manière de dire « j’existe, il n’y a pas que vous, la preuve, je suis là ». Même le chef de l’Etat, Denis Sassou Nguesso, fut et reste un modèle pour les fans de l’élégance. « Le garant de la Constitution est un grand sapeur. Le jour où il a pris la présidence de l’OUA, il était habillé en costume borsalino, rayure tennis. Ce jour-là, j’étais l’homme le plus heureux du monde », affirme Dada, la larme à l’œil. Les vedettes actuelles ont pour nom Zinga Sébastien alias Akuiss, Laurd Talansi, Maxime Pivot Mzée et Albin Mazouka


Puisque les Lari en revendiquent l’origine, il est normal que Bacongo et Makélékélé, deux communes de la capitale congolaise, où ils vivent en majorité, soient les hauts-lieux de ce courant. Toutefois le phénomène a gagné tous les quartiers. « Nous avons des leaders dans chacun des arrondissements de Brazzaville », affirme Hassane Fidèle, enfant de Poto-Poto et digne fils de son père surnommé grand Prêtre Malanda Hassane, car « la sape est une religion et le grand prêtre est celui qui connaît ». Un culte qui se perpétue d’une génération à l’autre. « Mon père était comme ça, mon grand père aussi. Nous avons acquis cette mentalité, parce que nos parents travaillaient chez les Blancs. Les Blancs s’habillaient bien. Ils les ont imités. Lorsque les Blancs sont partis, ils ont continué à s’habiller comme eux. Nous, les enfants, nous avons hérité de cette culture », explique Grégoire, un jeune de Bacongo.


« La sape est un art, qui n’a rien à voir avec les moyens. Il faut connaître les harmonies, savoir marier les couleurs »

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La sape est un art, qui n’a rien à voir avec les moyens.(Photo : Héctor Mediavilla Sabaté, Colors Magazine)


N’est pas « grand prêtre » qui veut. Pour avoir le label, on est prié de ne pas confondre entre s’habiller « bien et cher » et « savoir s’habiller ». « La sape est un art, qui n’a rien à voir avec les moyens. Il faut connaître les harmonies, savoir marier les couleurs », déclare Hassane d’un ton péremptoire. Un savoir qui différencie le sapeur d’un homme politique, vêtu classique, ou d’un branché, qui préfère les baskets, le tee-shirt et le blouson. Pour ne pas être taxé de « polar » ou de « ngaya », c’est-à-dire de « non-connaisseur », un ambianceur doit porter le costume. Si le dépareillé est admis - pourquoi pas un jean et un blazer pourvu que ce soit élégant -, le « best » reste le deux et surtout le trois pièces. Très prisé le « Borsalino », le Prince de Galle, mais aussi le costume surmonté, avec poches plaquées ou non. Avec ses costumes à fentes de 30 cm, Balladur, l’ex-Premier ministre français a, sans le savoir, lancé la mode « fente Balladur ». Bien pratique puisque cela permet de mettre aisément la main dans la poche. Quelle que soit la tenue, l’harmonie des couleurs est primordiale. On peut marier un bleu et un rouge, mais attention à ne jamais porter plus de quatre couleurs ! Chaque ton a sa symbolique. Le rouge évoque la combativité, le blanc la paix, le bleu l’entente et la séduction et le violet la spiritualité. L’accessoire est tout aussi important que l’habit. Outre l’indispensable chemise, à col cassé, écarté ou italien, c’est selon, il faut impérativement porter la cravate ou le nœud papillon, voire la valière. Sans oublier la pochette, assortie à la chemise, la ceinture, la montre, les bretelles, les lunettes Ray Ban, les boutons de manchette, le cigare… Indispensable aussi le teint « jaune papaye », qui fait ressortir le noir de la chevelure, coupée le plus ras possible, que l’on teindra au cirage si besoin est.


Les hommes politiques et les journalistes français restent les sources d’inspiration.


Le nec plus ultra est la griffe. En vogue, les marques Arthur and Fox, Alden, Thierry Muggler, Lord’s, Alain Figari, Berlutti, Yamamoto… Ou JM, encore que ! Mais avec la crise, la pauvreté et des allers et retours entre Paris et Brazza moins nombreux du fait des limitations à l’immigration, les vêtements griffés se font plus rares. On se contentera alors d’étiquettes moins prestigieuses. Très souvent les play boys , autre nom donné aux sapeurs, en sont réduits à trouver leur bonheur sur les marchés de fripes en provenance de l’Hexagone. Et de Chine. « On y découvre de beaux vêtements. Après on met des étiquettes. », avoue Grégoire. La tendance est à se faire tailler localement un costume ou une chemise sur lesquels on fait broder son nom. Même pour les moins fortunés, le budget fringues est lourd. Un costume coûtera entre 110 000 et 150 000 FCFA. Plus le reste. Aussi quand un « grand prêtre » ou un « parisien », qui revient de France, « a la gentillesse de te prêter ou de te refiler un costume, une chemise ou des chaussures, c’est une aubaine ». Les hommes politiques et les journalistes français restent les sources d’inspiration. « Tous les jours, à 13 heures et 20 heures tapantes, je regarde le JT sur TV5 », confie Hassane. L’occasion, non pas d’écouter les informations, mais de prendre note des dernières tendances. Et tous de commenter l’élégance de leurs idoles ! Des revues, comme les romans photos ou « l’Eternel masculin », sont d’autres sources d’inspiration.


L’élégance n’est pas le seul critère pour prétendre au titre de sapeurs. Un play boy est d’abord un gentleman et un pacifiste. « Tant qu’il n’y a pas la paix, je ne peux pas porter la cravate. Il faut la paix pour être bien habillé. Et le message de la paix passe mieux dans la chaussure que dans le discours politique », prétend Hassane, pour qui la sape traduit un art de vivre. « Çà nous éduque. Quand on devient sapeur, on ne peut plus être voleur ou braqueur. Un play boy est doux, propre, sage et poli. C’est un non-violent, il ne peut pas se battre. Si on se bat, on est déclassé. La seule bataille, c’est celle des mots. », affirme-t-il. Sape et éducation vont de pair. « Pour moi un sapeur doit aller à l’école pour qu’on puisse aussi le respecter dans la société », martèle Alain.

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C’est un culte qui se perpétue d’une génération à l’autre.(Photo : Héctor Mediavilla Sabaté, Colors Magazine)


« Chez nous la musique et la sape sont des phénomènes de socialisation, qui détournent les gens de la violence . »


Chaque commune de la capitale congolaise a ses groupes de play boys, aux noms parfois truculents. Ceux de Bacongo s’appellent les « Connaisseurs », les « Enfants de mazala » (enfants de la poubelle), ou les « Mazala malouata » (les enfants de la rue qui s’habillent) tandis qu’à Makélékélé, ils se baptisent les « Young boys ». A Ouenzé, ce sont les « Borsalino ». A Moungali, certains se sont surnommés « Gestapo » et à Moukondo « Attaque choc ». Tout un programme ! Chaque commune a aussi ses bars. Parmi les plus célèbres figurent « La Détente » et le « Grand Plateau », ex-Macedo, haut-lieu de la rumba et de la sape dans les années 1960/70, le « Mbongui », « la Main bleue », en perte de vitesse, ou « le Pion » à Bacongo, « la Coquille Bar », « Saï Saï Bar » ou « le Paquetol » à Makélékélé. Les quartiers nord se distinguent avec le « Zénith Bar » et « Universal » à Moungali, la « Mairie » à Mounkondo, ou le célèbre « Espace Faignond » à Poto-Poto. On y va pour se « faire voir », pour un défilé ou à l’occasion d’un concours de mode. Les rendez-vous sont institutionnalisés. Ils ont lieu une fois par semaine, à heure fixe et dans un lieu déterminé. Et pas de ségrégation entre Brazzaville nord et sud. Chaque week-end, chaque « jour de défi », les sapeurs, venus de tous les arrondissements, tournent, en effet, dans tous les bars-dancings de la capitale. Un mélange qui favorise la réconciliation entre des populations que la guerre a séparées. « Chez nous la musique et la sape sont des phénomènes de socialisation, qui détournent les gens de la violence », explique ce chercheur. Parce que très ancrée dans la culture, la sape a très vite refait surface dès la fin de la guerre de 1998/1999 qui l’avait mise momentanément en sommeil.


Une exhibition de sapeurs obéit à un rituel bien établi. Pour preuve, ce bar-dancing de Bacongo où se rassemblent chaque fin de week-end les ambianceurs de la ville. Un spectacle digne de la commedia dell’arte ! Devant un public populaire, où femmes et enfants, les yeux ronds d’admiration, sont aux premières lignes, une dizaine d’hommes, vêtus comme des mariés, lunettes noires sur le nez et bas du pantalon retroussé jusqu’au mollet, attendent l’heure H. Enfin le top est donné. La fête peut commencer. Tantôt c’est un simple défilé où les sapeurs se pavanent, individuellement ou en groupes, avec force gestuelles. Tandis que l’un d’entre eux retire ses lunettes, réajuste sa cravate et tape du pied le sol, tout en tirant des deux mains son pantalon jusqu’au nombril, l’autre, un énorme cigare à la bouche, tripote son mouchoir de poche, puis d’un geste ampoulé, retire sa veste, laissant apparaître une chemise jaune paille immaculée. Et tous de s’extasier devant ce sans-faute de goût. Tantôt c’est la joute verbale, histoire de rivaliser avec son voisin. Tout est codifié. Outre l’habit, ce qui fera la différence, ce sont l’attaque, les mimiques, la démarche, les poses, les pas de danse. Et le « Ntelo », la parole en lari ! Heureux celui qui a de la tchatche. Car dans ces duels sans armes, un tchatcheur à la langue bien pendue aura toutes les chances de l’emporter. Pour preuve. Prenant à témoin la foule, un sapeur, montrant du doigt son rival et faisant mine de lui marcher sur les pieds, se moque de ses JM (chaussures Weston) poussiéreuses. Beau joueur, mais pas prêt à se laisser faire, l’autre riposte, cherchant la faille chez son adversaire. Non mais ! « Foi de sapeur, toi qui oses m’accuser de manquer d’harmonie, regarde la longueur de ta cravate. Avec ses malheureux 20 cm, elle serait mieux autour du cou d’un voyou ! ». Et tous les spectateurs de rire et de hurler leur avis.


Dans ces rencontres, le must est d’arriver en retard, bien sûr, pour épater les autres. L’effet n’en sera que plus grand. A condition d’avoir envoyé son « Mazarin », en éclaireur pour s’assurer de la qualité de l’assistance. Car pas question d’être moins bien habillé que les autres. Honneur à celui qui sera le plus élégant et qui portera la tenue et les accessoires dernier cri ! En fonction de ce que lui dira son « petit », le sapeur changera de gamme (vêtements) pour s’adapter au contexte. Quant à ne pas y aller, il n’en est pas question. Ce serait avoué qu’il n’a rien à se mettre.


Ces représentations théâtralisées sont pour les Brazzavillois ce que sont les défilés de mode des capitales occidentales pour la jet society, la presse et les photographes du monde entier. Des rendez-vous incontournables. Avec toutefois une différence. Au Congo, ces scènes populaires sont l’expression d’une culture urbaine où s’élaborent de nouveaux repères et de nouveaux codes de conduite, parmi lesquels la non-violence, l’élégance et le savoir-vivre tiennent une place de choix. Elles traduisent le désir, des jeunes notamment, de ne pas être les laissés- pour-compte de la société. |Muriel Devey (AEM)